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parolessansmusique
3 octobre 2008

J'ai eu une envie folle de pieds paquets et pour


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              J'ai eu une envie folle de pieds paquets et pour la satisfaire, me suis mise illico aux fourneaux.
              Ce plat concocté par ma mère, ma belle-mère, leurs mères et les mères d'icelles dans la continuité familiale des prêtresses des casseroles aux seins tièdes et doux ,  m'a toujours paru le summum de la  civilisation.
             Prendre la partie la plus vile de l'animal, la laver des traces d' excréments, brosser, blanchir, farcir, modeler les petits  paquets,  plier, rouler, inciser pour obtenir après des heures de cuisson, ce plat complexe et raffiné, m'a de tout temps paru un acte fondateur , une alchimie où l'or obtenu relevait tout autant de la jouissance sensuelle que conceptuelle.

             Dans cette perpective, j'aime beaucoup le texte de Liliane Giraudon paru dans la "pensée de midi" qui rapproche les pieds paquets et l'oeuvre sculpturale de Louise Bourgeois,et qui exprime mieux que je ne pourrais le faire toute la sensualité et la perversité liées à ce plat.

LES PIEDS PAQUETS ET LOUISE BOURGEOIS
Pourquoi les “pieds paquets” ? Sans doute parce que le terme même de “tripe” (qui au figuré désigne le siège des sentiments : “prendre aux tripes”) y est emballé, recouvert. Invisible. Ici, pas question d’abats ni d’affect. On mange un instrument de marche (le pied) et aussi la chose qu’on emporte (le paquet). Ce plat marseillais a été inventé par une femme artiste anonyme qui couchait avec un tripier. Précédant de plus de deux siècles la somptueuse Louise Bourgeois, elle aurait pu être accusée de plagiat par anticipation. Elle savait : “Les femmes sont des perdantes, ce sont des mendiantes en dépit du Women’s Lib. Parce que notre destin est conditionné par nos dons. C’est quelque chose de très cruel. Si on n’a aucun don, une éduca- tion de troisième ordre, pas de bonnes manières, pas de contrôle de soi, alors qu’est-ce qu’on peut faire de sa vie ? Et c’est quelque chose de sérieux la vie. C’est souvent tragique. Pourtant, au-delà du tragique il y a l’humour noir…” (Louise Bourgeois, Destruction du père, reconstruction du père.)
Pour celle-là, il y avait la cuisine. C’est le spectacle de la paroi stomacale des ruminants qui l’a troublée puis inspirée. Cette matière de marbre, spongieuse et caverneuse, d’un baroque fascinant et dentelé, qu’elle pouvait observer dans la triperie de son amant, comment ne pas y céder ? Pliure ou pliage, il suffisait d’empaqueter ce qu’on avait sous la main. Sans nœud ni ourlet. Un simple drapé s’auto-clôturant. Et la force élastique compressive et active de ce petit origami organique ne pouvait pas ne pas lorgner vers un autre membre. Celui avec lequel on prend son pied. “Toutes ces choses en latex, ce sont en réalité des moulages de membres d’animaux. Je suis allée jusqu’au marché à la viande de la Neuvième Avenue et je me suis procuré des épaules d’agneau, des cuisses de poulets que j’ai moulées dans le plâtre. Je les ai plongées dans le plâtre liquide, puis j’ai retourné le moule, je l’ai ouvert, j’ai jeté la viande, et j’ai moulé les formes en latex…” (Louise Bourgeois.) Notre héroïne, elle, observait le brun rouge épais circulant parmi les petits ossements déposés au cœur de la gélatine. Ne pouvant quitter le ville, elle perfectionnait la pliure de ses petits paquets, dont les entrelacs effaçaient jusqu’aux notions d’intérieur et d’extérieur. Et, avant Louise Bourgeois, elle écrivait sur de petits papiers qui ne s’adressaient à personne. “Je fais ça ici, chez moi. C’est une œuvre très meurtrière, comme une pulsion qui surgit sous une trop forte pression, comme lorsqu’on tourne sa violence contre ceux qu’on aime le plus” (Louise Bourgeois).
LILIANE GIRAUDON

RECETTE (pour 6 personnes) :
Une tripe de mouton et huit pieds (de mouton) soigneuse-
ment nettoyés. Les pieds ont été flambés et blanchis.
Découper dans la tripe des carrés de sept ou huit centimè-
tres de côté et pratiquez une petite incision à l’un des coins.
Déposez au centre une cuillère de hachis (cent grammes de
petit salé avec deux gousses d’ail, du persil, un anchois et
du poivre). Replier chaque morceau en enfermant bien le
hachis. Faire passer la peau par l’incision et replier. On peut
aussi ficeler le paquet avec du fil (ce qui est plus facile).
Dans un plat en fonte, faire revenir un poireau et un oignon
émincé ; rajouter une carotte en tranches, trois tomates
hachées et un oignon piqué de deux clous de girofle.
Mouiller avec un litre de vin blanc et deux litres de bouil-
lon.
Déposer d’abord les pieds au fond puis les paquets dessus
et faites bouillir.
Ajouter un bouquet garni, deux gousses d’ail écrasées, du
sel, du poivre, un piment oiseau et de l’écorce d’orange.
Recouvrir et laisser cuire doucement six à sept heures.

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