Rédaction

Portrait de Michel  Leiris par Francis Bacon

Séquence : Le texte autobiographique.
Niveau : troisième
Les principaux motifs de l'autobiographie : l'autoportrait.

Exercice d'écriture en classe.
Durée: 45 minutes

Sujet : A la manière de Michel Leiris ( extrait de L'Age d'homme , 1939 ) p. 110 de votre manuel, vous écrirez votre autoportrait « sans complaisance » .

Après les rappels à l'ordre, les " on se tait, on se calme, on s'assoit ", la récupération de la feuille d'appel oubliée dans une autre salle, l'accueil des retardataires qui traînent la patte jusqu' aux places qui restent, la présentation du sujet, les "passe-moi une feuille ", les " j'ai pas compris ", les " on fait une marge ? ", les " madame, c'est noté ? " , les " c'est obligé de faire un brouillon?", les "faut faire combien de lignes ? "  et  l'inévitable "  l'orthographe, ça compte ?" , les voilà enfin au travail.
Du coup,  la prof s'ennuie un peu, alors elle aussi se met au turbin :

Je vais avoir 55 ans. Un âge qui commence à  poser problème.
L' âge où  les cheveux blanchissent, le visage s'affaisse, l'oeil se ternit , les paupières tombent , les lèvres se dépigmentent , l'âge où la peau se dessèche , se froisse comme papier de soie, se constelle de brunes galaxies ou d'aliens menaçants, où le squelette se fait douloureux, la mémoire se délite , patine, ressasse, où le temps subjectif s'accélère sans qu'on lui demande rien, bref l'âge des naufrages.
Le poète a beau proclamer que « c'est pas vilain les fleurs d'automne », les miroirs ne sont plus vraiment mes amis.
Certes, la silhouette demeure correcte, la taille  fine et souple, les désirs intacts et je peux toujours « donner le change » comme on dit  . Mais l' énergie vitale n'est plus la même et la tentation de renoncer , d'abandonner affleure parfois, les soirs de fatigue.
J'ai toujours été brune des cheveux et de l'âme. Des gênes italiens marquent mes traits et mes goûts pour l'élégance et le superflu.
Ma voix  forte et grave résonne dans l'oreille de mes auditeurs : je l'aurais aimée rauque comme celle de Claudia Cardinale, et détestée  aiguë , citronnée.
J'ai la sensualité et le bon sens que les astrologues attribuent d'ordinaire au signe du taureau, la noirceur d'un pessimisme latin qui joue de l'ombre et de la lumière , un désespoir somme toute serein , parfois complaisant, et suffisamment d'humour pour supporter un monde dans lequel, si j'en crois les statisticiens , je devrai vivre encore vingt ou trente ans.