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parolessansmusique
2 janvier 2009

Cruauté

coquelicots_t4972

    La maternelle était un château ou un rêve de château.
Elle en avait le nom, la position hautaine sur une petite butte rocheuse dominant les maisons modestes de ce quartier populaire de Marseille jusqu'à ce que dans les années 60, on lui juxtapose  du logement social en barres et en tours, qu'on perturbe l'échelle des grandeurs, des valeurs et qu'elle ne devienne subalterne.
Du château, elle avait la grandiloquence architecturale: le bâtiment, gros cube beige, aux façades torturées, offrait un perron magistral avec double volée de marches que les petites jambes des trois-cinq ans avaient bien du mal à gravir.
Un autre escalier partait d'un hall prétentieux  en damier blanc et noir, vers les salles de classes du premier étage.
L'institution optimiste d'alors se préoccupait bien peu d'ergonomie, de règles de sécurité et proposait naïvement aux bambins un avenir forcément ascensionnel, leur distribuant pour la route  quelques boîtes de lait vitaminé.
    La cour gravillonnée protégée par de hauts grillages surplombait un chemin approximativement goudronné presque toujours désert qui ne menait qu'à ce groupe scolaire et un terrain très vague où s'arrêtaient parfois des camps de gitans.
    Là, comme dans toutes les cours de récréation du monde se jouaient des drames, s'opéraient des prises de pouvoir, se créaient des alliances, se déclaraient des guerres, se fomentaient des vengeances dans les cris aigus et le tourbillon de blouses en vichy rose, Tergal.
Entre assauts et trêves, s'échangeaient d'innocentes cruautés; de gros chagrins éclataient, les nez coulaient, les langues roses retenaient avec délice le mélange de larmes et de morve.
    Une petite fille aux deux nattes sages était toujours un peu à l'écart, trop mûre pour son corps, décalée, maladroite; un jour elle avait profité de la cohue pour pousser un petit garçon qui l'ennuyait du haut de la volée d'escalier, il s'en était tiré avec une bosse et le monde adulte avait cru à un accident. Elle avait acquis ainsi une certaine autorité, avait imposé sa différence, cachant sa fragilité sous des discours qu'elle ne maîtrisait pas toujours.
     Autour d'elle des cercles se formaient; elle savait les secrets des grands  avant les autres, leurs très gros mots très vilains et avait appris par coeur sans les comprendre tout à fait les chansons qui se chantaient chez elle.
    Une de ses préférées était celle interprétée par Mouloudji, une histoire d'amour, de jalousie, de gars pas partageux, d'un crime passionnel champêtre, une histoire fleur bleue finissant dans le rouge mais délicatement, sans les débordements  d'hémoglobine d'un fait divers, en fines gouttelettes décoratives et comptées, des pétales de sang artistiquement disposés sur un corsage blanc, juste à la place du coeur comme un
p'tit coqu'licot, mon âme, un tout p'tit coqu'licot.

Le myosotis, et puis la rose,
Ce sont des fleurs qui dis'nt quèqu' chose !
Mais pour aimer les coqu'licots
Et n'aimer qu' ça ... faut être idiot !
T'as p' t' êtr' raison ! seul' ment voilà :
Quand j' t'aurai dit, tu comprendras !
La premièr' fois que je l'ai vue,
Elle dormait, à moitié nue
Dans la lumière de l'été
Au beau milieu d'un champ de blé.
Et sous le corsag' blanc,
Là où battait son coeur,
Le soleil, gentiment,
Faisait vivre une fleur :
Comme un p'tit coqu'licot, mon âme !
Comme un p'tit coqu'licot.

C'est très curieux comm' tes yeux brillent
En te rapp'lant la jolie fille !
Ils brill'nt si fort qu' c'est un peu trop
Pour expliquer ... les coqu'licots !
T'as p' t' êtr' raison ! seul' ment voilà :
Quand je l'ai prise dans mes bras,
Elle m'a donné son beau sourire
Et puis après, sans rien nous dire,
Dans la lumière de l'été
On s'est aimé ! ... on s'est aimé !
Et j'ai tant appuyé
Mes lèvres sur son coeur,
Qu'à la plac' du baiser,
Y' avait comm' une fleur :
Comme un p'tit coqu'licot, mon âme !
Comme un p'tit coqu'licot.

Ca n'est rein d'autr' qu'un' aventure
Ta p'tit' histoire, et je te jure
Qu'elle ne mérit' pas un sanglot
Ni cett' passion ... des coqu'licots !
Attends la fin ! tu comprendras :
Un autr' l'aimait qu'elle n'aimait pas !
Et le lend'main, quand j' l'ai revue,
Elle dormait, à moitié nue,
Dans la lumière de l'été
Au beau milieu d'un champ de blé.
Mais sur le corsag' blanc,
Juste à la plac' du coeur,
Y'avait trois goutt's de sang,
Qui faisait comm' un' fleur :
Comme un p'tit coqu'licot, mon âme !
Un tout p'tit coqu'licot.   

Paroles : R. ASSO
Musique: C. VALERY

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