Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
parolessansmusique
23 janvier 2009

ciné

frozen_river_0_1

FROZEN RIVER 
Gros plan sur un visage de femme fatiguée , plus toute jeune ; un reste de vernis écaillé en îlots nacrés sur ses ongles en deuil  ; elle essuie quelques larmes, les écrase plutôt, rageusement pour les faire disparaître . On découvre la peau tatouée , un corps  maigre, illustré pour une histoire qu'on devine pas drôle.
Elle, c'est Ray ( Mélissa Léo), blanche, américaine, pauvre, mère de deux enfants, dont le mari, joueur compulsif, non content de l'abandonner quelques jours avant Noël, a raflé  toutes leurs économies. Faute de pouvoir payer le solde du mobil home qu'elle a commandé, elle va tout perdre.
Dans la réserve, Ray rencontre Lila , indienne Mohawh, paria parmi les parias, rejetée par sa communauté, déchue de ses droits maternels. Lila au visage rond, fermée, silencieuse et dure, dont on ne voit jamaiss le corps.
Lila qui fait entrer des clandestins sur le territoire américain, bravant les dangers de la rivière gelée où son compagnon a trouvé la mort.
Argent sale, pas si facile que ça !
Ray et Lila s'associent dans cette activité « négrière ».
On est à la frontière canadienne.
La télé annonce des températures de  -20, - 30 °C.
Le paysage est blanc, glacé, sans concession et les rêves sont tenaces.
Ils aident à trouver l'énergie pour survivre, agir .
Dans ces étendues sauvages, les limites deviennent incertaines, abstraites : celles des pays, celles de la réserve , celles du bien et du mal.
Les personnages de Courtney Hunt ne sont pas des anges : le fils de Ray, si gentil par ailleurs, est bêtement raciste et irait bien « casser de l'indien », Ray  assimile tous les pakistanais à des terroristes , Lila et Ray veulent oublier que les pauvres gens qu'elles transportent dans le coffre de leur voiture sont de futurs esclaves.
On les suit dans leurs traversées successives, embarqués dans la sordide aventure, tremblant que la glace ne se rompe, ne les engloutisse .
Le jeu des actrices est poignant.  La tension dramatique , habilement maîtrisée, efficace. La menace que le pire triomphe , constante. 
Le monde tel qu'il va n'est pas beau à vivre : exploitation des plus faibles, racisme, violence, trahisons...
Heureusement, nous sommes au cinéma et dans un mélo, un genre qui donne une chance à l'individu face aux fatalités sociales et politiques. Une chance pas bien grosse, certes,  mais suffisante pour échapper au tragique.
Ces femmes poussées à des choix qui les rendent complices d'une oppression dont elles sont aussi les victimes , retrouvent leur libre arbitre et leur droit au miracle en sauvant un bébé qu'elles ont laissé derrière elles, et à la fin du film leur "grandeur d'âme" , en se protégeant mutuellement .
La dernière scène montre le fils aîné de Ray, roi de la soudure,  pédalant au centre du manège qu'il a bricolé sans autre moyen que son imagination et son coeur, réunion d'éléments disparates comme les pièces d'un costume d'Arlequin, attraction de fortune pour la joie des « innocents » .
Et tournent, tournent ensemble son petit frère et l'enfant de Lila dont les lèvres esquissent un semblant de sourire.

Frozen_River_1


Publicité
Commentaires
parolessansmusique
Publicité
Archives
parolessansmusique
Publicité