Amertume

Photo de Jay Delavin

l'amertume de toi

je tourne la cuiller dans la tasse de café.
l'amertume de toi me colle à la bouche
se mélange au p'tit noir de ce petit matin.
et le bruit du bistrot camoufle mon chagrin
dans une confusion si lointaine et si proche.

c'est une symphonie de métal et de verres
qui se heurtent sans fin dès le petit matin;
ça chuinte et ça ronfle ça craque et ça bourdonne
ça clinque et ça claque, ça dit et ça fredonne.
certains sont déjà gais, d'autres sont encore tristes.

les journaux sont ouverts sur les faits de la veille
le corps est engourdi et la douleur sommeille
la mousse du café se colle à ma lèvre
juste un peu d'amertume mêlée à la douceur
le silence de toi se colle à mon coeur

les tilleuls de la place me jettent leur parfum
comme provocation de printemps et d'enfance
je me laisse enivrer par leur lourde fragrance
la nuit en trait d'union entre une double absence
se finit doucement dans ce petit matin.

je repousse du doigt le sucre qui s'émiette
des gestes machinaux et sans grande importance
quelques points de repères qui fixent l' existence
qui éloignent de nous la peur et la méfiance
et donnent le courage de vivre un lendemain

mais je  suis fatiguée de ces petits matins
de ces nuits sans sommeil à veiller notre amour
comme un enfant malade et déjà condamné
je tourne la cuiller dans la tasse de café
l'amertume de toi me colle à la bouche.